L’espoir d’un projet collaboratif pour PARIS 2024

Les préconisations de Claude ONESTA

Comme vu dans les articles précédents, il y a deux problématiques majeures à étudier de près pour agir dans le sens de la haute performance sportive, en vue des Jeux Olympiques de Paris en 2024 :

  • Une gouvernance défaillante, qui présente un défaut d’alignement entre le pouvoir décisionnel et la responsabilité, c’est-à-dire entre la politique et le management.
  • Un manque d’ouverture certain, qui enferme nos organisations sportives dans un système administré, normé et codifié, dans lequel il est impossible pour les sportifs, de se retrouver.En mode "agile"

Dans son rapport, Claude ONESTA parle d’adopter un mode de fonctionnement « agile », et d’activer les leviers de l’agilité donc, pour :

« Permettre à chacun des acteurs d’être proactif, créatif, efficace, enthousiaste et serein. »

L’ensemble des préconisations du projet « Performance Paris 2024 », au nombre de 14, sont dans le rapport « Mission d’étude pour la haute performance sportive », segmentées autour de 5 grands axes :

  1. Structure et moyens
  2. Fédérations
  3. Sportifs et entraîneurs
  4. Mise en réseau
  5. Sport paralympique

La libération du sport pour plus de performance

« C’est celui qui fait qui sait » - Isaac GETZ

Voici l’un des grands principes de l’entreprise libérée.

Cela signifie qu’il est plus cohérent, et plus efficace, de « faire descendre l’autorité là où se trouve l’information, que de faire remonter l’information là où se trouve l’autorité ».

« Push authority to information and not information to authority » – David MARQUET

Une expression qui, à mon sens, pourrait bien s’adapter à la situation du sport en France, et permettre le renouveau du modèle, selon les tendances actuelles, qui ont déjà porté leurs fruits.

En effet, il paraît évident d’accompagner l’ensemble des acteurs du sport, vers plus de professionnalisation, c’est-à-dire de s’inspirer du fonctionnement des entreprises.

Or, ces entreprises sont elles-mêmes en perpétuelle évolution, et déploie des concepts de plus en plus ouverts, comme ceux de l’entreprise libérée, qui ont démontré des résultats en termes de bien-être des salariés, et de performance de l’entreprise.

Tant qu’à se professionnaliser, nos organisations sportives ont tout intérêt à s’inspirer de ces nouveaux modèles, d’autant qu’ils correspondent aux valeurs que le sport espère continuer de défendre, en faisant cohabiter le sport pour tous et le développement de la haute performance.

Florent ManaudouAinsi il s’agit d’écouter les sportifs… Et pour la haute performance : celles et ceux qui ont un projet de haute performance. Bien accompagnés dans les filières du sport de haut niveau, que nous avons bien su développer en France, les sportifs savent ce qu’ils valent, et savent ce qu’ils veulent : ils sont tous capable de se responsabiliser et de devenir le leader de leur propre projet.

« Considérer le sportif comme l’auteur et l’acteur de son projet de performance. »

Il faut d’abord savoir les écouter, et aussi les encourager à s’exprimer. Il faut bien sûr que les entraîneurs et les fédérations aient développer cette nouvelle façon de voir les choses, et aussi la suite du processus à envisager, en fonction du sport, et du sportif : quelque chose qui soit véritablement tourné vers la haute performance, le cran en plus qui fait la différence.

Globalement, cela signifie de faire confiance aux sportifs et à leurs ambitions, et d’utiliser le système du sport de haut niveau, tel qu’il est mis en œuvre au travers des projets de performance fédéraux (PPF), parce qu’il est plutôt performant, mais d’aborder les choses dans un processus inversé, à l’écoute de la base, de « ceux qui savent » ce dont ils ont besoin pour performer. Nos instances aujourd’hui décisionnaires, adopteraient une posture de soutien dans l’accompagnement des sportifs, posture valorisante pour le sportif et son staff, tout en conservant une posture d’expert dans un cadre réglementaire. Ce changement de posture, à deux niveaux, permettra de :

  • déverrouiller certaines appréhensions, en lâchant du leste
  • faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles stratégies, en faisant preuve d’ouverture
  • développer la sérénité nécessaire à l’efficacité et à la performance

Mais cela implique pour les dirigeants, de bien vouloir renoncer à une forme de pouvoir de la décision auquel ils sont très attachés, par habitude…

Régulation, collaboration, bon sens

« Le projet de performance Paris 2024 doit construire une ambition partagée par l’ensemble des acteurs du pays : l’Etat, le monde associatif, le grand public, et bien sûr le monde économique. »

L’Etat reste l’acteur principal, le pourvoyeur de subventions et d’orientations stratégiques pour le sport en France. C’est du Ministère qu’émane la demande faite à Claude ONESTA pour travailler sur la haute performance en vue de Paris 2024 ; ce qui est une bonne nouvelle, c’est-à-dire qu’il y a bien une prise de conscience de la situation et des enjeux, mais c’est aussi un problème, parce que quelque part, il va falloir qu’il décide de se désengager, de manière à laisser la place à « ceux qui savent », c’est-à-dire ceux qui font, c’est-à-dire les sportifs…

L’Etat, c’est aussi l’INSEP, les CREPS, les services déconcentrés du ministère des sports, et toutes les collectivités territoriales auxquelles on a confié une mission « accompagnement du sport de haut niveau » : les régions, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), parfois les départements, et même les communes, voire certains établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) comme les communautés d’agglomération ou communautés de communes.

Cela fait déjà beaucoup de monde, n’est-ce pas ?!!!

De l’autre côté, au bout de la chaîne, se trouvent les sportifs, les entraîneurs et les clubs, ceux qui travaillent, ceux qui cherchent des financements, pour développer leur sport, et essaient de s’y retrouver dans cette galaxie d’interlocuteurs dédiés… Parfois, à force de patience, et d’acharnement, ils finissent par trouver le bon interlocuteur, qui leur explique que, pour pouvoir bénéficier d’une subvention A de 1500€, il va falloir remplir les conditions d’une liste de 25 critères, puis, s’ils sont éligibles, ils pourront présenter un dossier de 30 pages, reprenant une liste de 25 nouveaux critères et autant de pièces justificatives, et espérer passer en commission, pour bénéficier de cette subvention l’année prochaine… Ben oui, parce que c’est trop tard pour cette année :-/. L’interlocuteur en question leur dit que finalement, il pourrait peut-être demander une subvention B de 1000€, en s’adressant à un autre interlocuteur, qu’ils ont bien fait de venir le voir lui, comme ça, il peut leur donner les coordonnées, et grâce à lui, ils avancent bien ! Etc, etc, etc…

Bref, c’est un travail à plein temps que de demander des subventions auprès de la multitude d’interlocuteurs existante, le tout en essayant de respecter des règles strictes et complexes, avec le sourire, et dans le plaisir de pouvoir contribuer à développer le sport… Subventions qui à la base, sont toutes issues du même décideur : l’Etat. Ça ne vous paraît pas ridicule ?!!!

J’aurais tendance à penser que, finalement, sur 10 000€ de subventions accordées par l’Etat, une fois avoir rémunéré l’ensemble des personnes qui gèrent l’attribution de cette subvention, entre ceux qui définissent les critères, ceux qui traitent les dossiers, ceux qui font partie des commissions et jury, ceux qui signent les mandats, ceux qui font les comptes, et ceux qui contrôlent que les comptes sont bien faits, à la fin il ne reste plus que 1000€, et encore, pas sûr :-/ Sans compter que, pour le coup, la ou les personnes qui font les demandes pour en bénéficier, ne sont, elles, bien souvent, pas rémunérées…

Se prendre la tête

Comment dire… ne pensez-vous pas qu’il faille mobiliser les énergies autrement, et aller chercher de l’argent ailleurs, ou trouver d’autres moyens, d’autres actions à mettre en place, qui soient plus productives, et véritablement au bénéfice du sport et des sportifs ?!!!

« C’est le moment pour casser les barrières et s’engager dans une gouvernance associée. »

L’apport de l’entreprise dans le sport pour atteindre la haute performance

« La relation entre le mouvement sportif et le monde de l’entreprise s’est toujours limité à la manne financière que les sportifs espèrent en retirer. »

Pourtant, dans la situation actuelle, et en vue des Jeux Olympiques à Paris en 2024, il y a bien d’autres choses à faire ensemble !

Le monde de l’entreprise s’intéresse à cet événement évidemment, pour tout ce que cela peut lui apporter économiquement bien sûr, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de points communs entre l’entrepreneuriat et les projets sportifs.

Dans les deux cas, il s’agit de se fixer des objectifs, une cible concrète et ambitieuse, à court, moyen ou long terme, et de mettre des stratégies en place, pour atteindre ses objectifs, le tout dans une optique de performance durable, quitte à investir, prendre des risques, s’adapter, se renouveler, faire appel à de nouveaux projets, transversaux, et à sans cesse se réinventer, au gré de la conjoncture. Ne voyez-vous pas l’analogie évidente ?!!!

« L’entreprise est un autre champ de la performance et nous avons à apprendre les uns des autres. »

C’est dans ce sens qu’il y a un grand intérêt, pour le sport, à se professionnaliser : pour tout ce que l’entreprise peut apporter comme expertise professionnelle, pas uniquement pour ce qu’elle peut apporter comme ressource financière… Même si, au bout du bout, grâce à cette autre approche, et à un travail de coopération, c’est effectivement ce qui est souhaitable.

Tous ensemble, main dans la main

Plus de relations, plus de proximité entre tous les acteurs du sport, en y intégrant particulièrement le monde économique, pour tout ce qu’il peut apporter comme expertise, notamment dans la « nouvelle » gouvernance du sport… voilà une mesure phare du rapport ONESTA, que je considère comme primordiale !

2024, c’est loin, et proche à la fois… car l’ambition est grande mais le chantier titanesque…

Espérons que le ministère des sports, à la lecture de ce rapport, piloté par Claude ONESTA, comprendra la nécessité de procéder à un bouleversement total des pratiques dans le domaine du sport, et à intégrer comme le préconise le rapport, et comme l’a fait le mouvement en marche, des compétences de la société civile.

Il est primordial d’ouvrir ce chantier de grande envergure, à 360°.

Je salue l’effort d’avoir sollicité, et travaillé avec de nombreux sportifs, et personnes diverses, issues de d’horizons variés de la sphère sportive (il faut dire qu’il y a déjà de quoi faire…)

Mais je déplore que toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration, et aux réflexions de ce rapport, soient toutes issues du monde du sport tel qu’il existe aujourd’hui : aucune personne de l’extérieur, aucun organisateur d’événement, aucune entreprise, partenaire ou non ?!!!

 

Article rédigé par Delphine PICHARD - ENTRE2SPORT, Coach professionnelle certifiée, labellisée APPI, accréditée par la FFA

 

Sources :

Mission d’étude pour la haute performance sportive – janvier 2018 – Claude ONESTA

L’entreprise libérée – Isaac GETZ

Turn the ship around – David MARQUET

Pour lire les articles précédents, cliquez ici :

Acte 1Acte 2, Acte 3, Acte 4

Dernière mise à jour 21 janvier 2020 par Delphine Pichard

Un système à bout de souffle : entre immobilisme, résignation et manque d’ambition

Après l’évocation du contexte du sport français sur la scène sportive internationale, et des enjeux de l’attribution des Jeux Olympiques à Paris en 2024 (acte 1), et conformément aux ambitions de haute performance de la France pour ces jeux (acte 2), c’est tout le modèle sportif français, et sa gouvernance qu’il faut revoir (acte 3).

Système à bout de souffleEn effet, et c’est ce que nous allons aborder dans ce quatrième volet, le système sportif français est à bout de souffle, fatigué…

Il a donné tout ce qu’il avait, mais il faut maintenant se faire une raison, c’est terminé, il est temps de déposer les armes, parce qu’elles ne servent plus à rien aujourd’hui, elles ne conviennent plus. Elles ont fait leurs preuves jadis, mais elles sont maintenant très (trop) lourdes à porter… Elles sont pourtant bien présentes, encore bien réelles, et on se dit qu’elles pourraient encore servir, alors on s’accroche, on résiste, croyant bien faire…

Le sport a évolué, et continue d’évoluer ; le système doit donc s’adapter, et même rattrapé le retard accumulé des dernières années…

On a vu apparaître des vélos de plus en plus légers, des raquettes de plus en plus puissantes, des combinaisons ne plus en plus aérodynamiques, des concepts de plus en plus innovants. On a su intégrer des technologies de pointe dans de nombreux matériels sportifs, on a adapté les règles de compétition et d’arbitrage pour suivre les évolutions de pratiques, on a donné l’accès à des modes de préparation physique et sportive de plus en plus poussés. Bref on a accompagné les changements nombreux et logiques qui se sont produits ces dernières décennies, mais ces quelques évolutions, subies et simplement suivies et pas forcément soutenues, nous ont fait croire que nous étions dans le bon train…

« Tout tremble, rien ne bouge »

Dans notre système sportif français, la politique, le management et les organisations n’ont rien suivi du tout, elles n’ont presque pas bougé, tout juste tremblé…

« Le diagnostic est simple : organisées pour piloter le sport amateur des années 1960 et 1970, nos institutions sportives entièrement sous la tutelle de l’État ne sont pas préparées à affronter les enjeux d’aujourd’hui et les défis de demain. » - Alain LORET

Les structures, les administrations, les conceptions, rigides, cadrées, normatives et codifiées, de la gestion du sport en France, ne sont plus d’actualité, mais elles sont toujours très présentes, voire ancrées. Il paraît difficile de faire bouger les lignes, qui plus est, dans un monde relativement fermé, recroquevillé sur lui-même, pas très enclin à entendre ce que le changement pourrait lui apporter.

La dépendance financière

« Le manque de moyens est souvent la justification du manque d’ambition dans la haute performance. »

Le manque de moyens est bien souvent la justification à tout, en particulier lorsqu’il s’agit d’investir, que ce soit pour anticiper, innover ou soutenir un projet à forte ambition comme la haute performance… Il n’y a jamais suffisamment d’argent…

Si bien qu’on se retrouve avec des fédérations qui comptent continuellement, pour gérer au mieux, et assumer leurs responsabilités ; ce qui a pour effet de limiter au strict nécessaire les moyens alloués, dans une démarche de compromis perpétuel très inconfortable, pour essayer de satisfaire tout le monde, et qui au final, ne satisfait personne… On appelle cela le « saupoudrage ».

Saupoudrage

C’est une pratique que l’on retrouve également en entreprise, lorsqu’on parle de rémunération ; une pratique de plus en plus critiquée, qui, même si elle part d’une bonne intention, et s’appuie sur des notions de partage et de solidarité, a tendance à dévaloriser le travail, et la reconnaissance faite à l’individu, qui à l’extrême, peut se voir considéré comme un robot, sage exécutant sans cerveau, et malheureusement conduire à des « burn-out », par manque de repères et perte de sens.

Bref, plutôt que d’essayer de partager le gâteau, ne serait-il pas judicieux d’aller chercher de nouveaux ingrédients pour en faire un nouveau ?

Ce qui est intéressant avec ce point de vue, c’est que, moyennant un peu de patience, d’enthousiasme et de savoir-faire, on pourrait même se retrouver avec un plus gros gâteau, encore meilleur que le précédent, que l’on pourrait partager avec encore plus de personnes !

C’est le symbole de l’ambition, et qui fait que 1 + 1 = 3 😉

« Dans bon nombre de fédérations, le dynamisme et l’ambition dans la recherche financière font souvent place à la résignation et à la fatalité. »

En effet, pour rester dans le domaine culinaire, plutôt que de se dire, et de s’avouer vaincu, en considérant qu’on nous demande de « faire du beurre avec de l’eau », et que ce n’est pas possible… Ne faudrait-il pas se demander « comment faire pour fabriquer du beurre », aller chercher ce qu’il faut, et garder l’eau pour hydrater celles et ceux qui en auront besoin ?!!!

Quand on veut bien y réfléchir, et remettre en cause le fonctionnement actuel, finalement, la dépendance financière est un leurre.

« Mais peut-être est il préférable de ne pas savoir pour ne pas être dans l’obligation d’agir ? »

Le poids de l’histoire et de l’habitude

« Toutes les fédérations reçoivent des aides de l’Etats directement liées à la haute performance. Cela montre le manque de justesse dans l’allocation des moyens et surtout dans l’absence de régulation à l’issue des actions réalisées et des résultats obtenus. »

L’ensemble est basé sur la réalisation d’objectifs fixés dans le cadre des conventions pluriannuelles, que les fédérations à elles seules ne peuvent pas atteindre, puisqu’elles ne sont que l’autorité réglementaire de gestion des subventions… N’y a-t-il pas déjà là, un problème de cohérence ?

Ainsi, dans ce contexte de réflexion sur la haute performance, il apparaît bien que ce soit la gouvernance du sport qui doive être remise en cause.

Comment est-ce possible de donner des moyens à des élus, en échange de l’obtention de médailles olympiques dans leur sport, alors que ce ne sont pas eux qui les font ? Comment croire que l’institution est en mesure de prendre les bonnes décisions quant à l’utilisation de ces subventions au service des objectifs fixés ?

Faisons un parallèle avec l’entreprise, qui elle-même s’inspire du sport parfois, et dont le monde du sport pourrait bien s’inspirer plus souvent… Quand on donne de l’argent à une entreprise, ce ne peut être que dans deux situations :

  • Soit on est client : on achète une prestation, un produit ou un service
  • Soit on est un investisseur : on prête une somme d’argent pour en gagner plus en retour

Dans les deux cas, rien n’est acquis :

  • Le client n’est pas obligé d’acheter, et à tout moment, s’il n’est pas satisfait, il se fait rembourser, ou plus simple encore, il ne reviendra plus jamais acheter
  • L’investisseur n’est pas obligé de prêter, mais quand il le fait, c’est qu’il croit très fort au projet, et qu’il a pris toutes les précautions pour ne pas perdre d’argent

Et surtout, l’entreprise fait des pieds et des mains dans les deux sens pour convaincre !

Je ne suis pas sûre que cela se passe comme cela dans notre système sportif français…

Et d’ailleurs, les fédérations sportives sont-elles les bons interlocuteurs ? Sont-elles vraiment en mesure de demander des subventions ? Connaissent-elles les filières, les talents, les projets des champions de demain ? Comment le pourraient-elles ? Elles sont tellement éloignées du terrain…

Alors qu’elles devraient se comporter comme relais remontant, en soutien de leurs clubs et des sportifs, ferventes défenseuses de leurs propres objectifs, elles jouent trop souvent le rôle de « passe-plat ».

Le ministère des sports demande 80 médailles pour Paris 2024, alors la fédération transmet l’information, y ajoutant toute l’appréhension et la frustration qu’elle ressent, à ne pas être capable d’y contribuer parce qu’il n’y aura sûrement pas de subvention supplémentaire pour cela.

C’est d’ailleurs tout ce que l’on retient : cible inatteignable par manque de moyens… Quelle tristesse ?!!!

Mais ce n’est pas de leur faute, c’est tout un système, toute une culture de dépendance à l’Etat qui est derrière tout cela : une approche très fermée, très stricte, très petite, avec des gens qui n’ont toujours connu que cela, qui ne sont pas en mesure de penser autrement, parce qu’ils ont été éduqués dans ce système.

Des hommes bien en place

Nous l’avons vu dans le dernier article (acte 3), le système repose sur la coopération d’élus bénévoles, un pouvoir exécutif, avec des salariés chargés de mettre en œuvre une politique sportive, le management opérationnel.

Et ce, à tous les niveaux et dans toutes les instances du sport, selon le principe de l’association loi 1901, de la fédération nationale au plus petit club sportif.

Même les collectivités territoriales, de plus en plus impliquées dans le sport, fonctionnent de cette façon : un élu chargé des sports, avec une direction des sports et ses « petites mains » pour s’occuper des équipements sportifs dont elles ont la charge et la responsabilité.

Parmi les problématiques humaines de ce système, on retrouve :

  • des élus bénévoles, bien souvent âgés, la plupart du temps retraités, sans grande ambition malgré leur bonne volonté, et pas forcément à la point de l’innovation
  • des salariés arrivés là, trop souvent par hasard, qui sont, soit dans une situation précaire (emplois aidés), soit enfoncés dans un fauteuil bien confortable qu’ils ont du mal à quitter
  • des bénévoles et des adhérents passionnés, impliqués, mais dans la mesure de leurs moyens, que ce soit en termes de compétences ou en termes de disponibilité

Le portait que je dresse là est volontairement pessimiste, voire caricatural, mais finalement pas très éloigné de la réalité… C’est juste qu’on a parfois du mal à voir la vérité, et surtout à la dire, par peur de voir la situation s’aggraver encore… Effectivement, que se passerait-il si nos bénévoles retraités quittaient le navire ???

Loin de moi l’idée de les faire fuir, mais permettez-moi de réfléchir à un autre mode de fonctionnement, dans lequel chacun a une place, mais la bonne place : un système plus agile, plus cohérent, mieux équilibré.

En effet, si on veut faire bouger les choses, ce n’est pas pour le plaisir de changer, c’est pour améliorer un système ; ce que font la plupart des entreprises pour se renouveler, et pour durer !

Cela commence donc par un changement d’état d’esprit, et une approche optimiste de la situation dégradée, par une observation opérationnelle de cette situation, et une écoute attentive des idées et remarques des personnes les plus concernées, avec l’intervention d’une tierce partie de préférence, pour plus d’objectivité : un premier pas vers l’ouverture.

Si on ne change rien, il ne se passera rien, c’est évident !

Et si l’on veut réussir, il faut prendre des risques…. Qui ne tente rien n’a rien, toute le monde le sait !

Constatez que l’impulsion vient toujours d’une décision humaine ; dans le cas présent, c’est-à-dire dans le système actuel, cela signifie que le changement sera idéalement provoqué par une volonté politique.

La peur du changement

Il y a réellement un conflit entre l’enjeu de la haute performance, et le manque d’ambition des fédérations. Quand un sportif et tout un staff s’engagent dans la haute performance, ils décident de prendre des risques pour atteindre leurs objectifs, et entament un processus de préparation de longue haleine, la plupart des ambitions de haute performance se situant sur une durée de 4 à 8 ans.

Les fédérations quant à elles, les élus en particulier, se sentent alors déstabilisées par tant de mouvement ; craignant de perdre la maîtrise de la situation (et leur mandat), elles restent souvent spectatrices, soutiennent la démarche au strict minimum, s’accrochant à leurs fondations, leur statut, et se cachant parfois derrière les emplois qu’il faut sauvegarder.

Pourtant c’est bien là qu’est leur rôle ; c’est à cet endroit que les sportifs, et la haute performance en particulier, ont le plus de besoins.

Finalement donc, voyant que les fédérations, malgré leur pouvoir et la nécessité de passer par eux, ne sont pas en mesure d’accompagner les projets sportifs, chacun y va de son autonomie, de ses idées, de sa « bricole dans son garage ».

Pour les plus chanceux, ce sont les parents qui accompagnent leurs enfants sportifs et les soutiennent dans leur projet, formant autour d’eux toute une cellule entrepreneuriale, dans laquelle interviennent les multiples acteurs fédéraux, encore indispensables pour rester connecté au système, et espérer un jour en faire partie, pour pouvoir représenter la France aux Jeux Olympiques…

Bruno Massot

Parfois on déconnecte, parce qu’une opportunité se présente de voir son rêve olympique se concrétiser, comme cela a été le cas pour notre normand allemand, médaillé olympique en patinage artistique. Tant pis pour la France, ou tant mieux, va savoir… La médaille est allemande mais Brunot MASSOT est bien français, même s’il n’a plus la nationalité ; c’est qu’il y a des talents sur notre territoire français !

Et puis, n’est ce pas une occasion de se poser les bonnes questions quant à nos modes de fonctionnement, nos choix, nos ambitions et nos prises de risques ?

Parce qu’il est là le problème, et c’est le propre de la nature humaine, voire de la culture française : on préfère ne rien faire parce que c’est plus confortable. On reste sur nos acquis, gesticulant de temps à autre, pour faire illusion sur nos intentions, sans jamais vraiment sortir de notre zone de confort pour aller voir si l’herbe ne serait pas plus verte ailleurs, ou s’il n’y aurait pas une autre façon de voir les choses, qui nous permettrait d’avancer, de progresser, de trouver de vraies solutions à nos problématiques de fond. C’est la peur du changement !

Peur du changement

En effet, on sait ce qu’on perd, mais on ne sait pas ce qu’on gagne…

Pourtant, on voit bien que la situation de peut plus durer, qu’on tourne en rond dans notre bocal. Certes on est bien à l’abri, la température est plutôt agréable, on a nos repères, nos habitudes, et c’est rassurant… mais pourquoi ? Oui pourquoi en fait ???

Il est où le projet d’avenir ? Le sens que l’on veut donner à sa vie ? Le truc qui nous fait vibrer, qui nous fait vivre des émotions, qui nous fait nous sentir vivant ???

Eh bien c’est la même chose pour l’ambition de la haute performance sportive ! Il va falloir sortir du bocal si on veut espérer évoluer au bon endroit, et prendre le bon train, dans le bon sens, celui de la réussite à Paris pour les Jeux en 2024 !

Dernière mise à jour 22 octobre 2019 par Delphine Pichard

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