12 août 2017
Delphine Pichard

Les émotions sont une composante indissociable de l’être humain, mais elles suscitent de nombreuses réserves en entreprise. Réputées imprévisibles, et du ressort de l’intime, elles sont souvent considérées dans l’entreprise (et parfois dans nos vies personnelles) comme une problématique, voire une maladie honteuse, un fardeau inutile voire un handicap :-/

Et pourtant, depuis les travaux de GOLEMAN et ceux de SALOVEY et MAYER dans les années 90, l’intelligence émotionnelle est décrite comme un puissant levier de performance.

Nous y voilà : l’entreprise a besoin d’humanité pour rester en mouvement ; et les émotions, étymologiquement, sont des mouvements intérieurs. Si bien que l’une des compétences phares du manager est de savoir les identifier, les orienter et les partager avec mesure, c’est-à-dire de faire preuve d’intelligence émotionnelle, en intégrant les émotions dans son management.

Il s’agit là d’un exercice assez fastidieux, un chemin progressif qui peut prendre du temps, mais qui globalement, fait appel à une démarche en 4 étapes.

1/ Comprendre à quoi servent les émotions et connaitre leurs principes de fonctionnement

Les psychologues répertorient 6 émotions universelles : la peur, la colère, la joie, la tristesse, le dégout et le mépris, auxquelles certains ajoutent la honte et la culpabilité, et auxquelles s’ajoutent encore de nombreuses autres émotions, comme le démontrent plusieurs modèles de conceptualisation sous la forme d’une roue des émotions, comme celle de Robert PLUTCHIK ci-contre.

La nature ne fait rien sans raison : si elle nous a doté de la capacité d’émotion, c’est pour nous fournir un allié supplémentaire servant notre survie. Les émotions ne sont en soi, ni négatives, ni positives. La colère, par exemple, peut être la manifestation d’un refus salvateur, et déclencher un changement. La tristesse permet de soulager une douleur dans le flot des larmes, d’admettre l’inadmissible et d’avancer.

Le mode de fonctionnement de la société nous a invité à les contenir, jusqu’à parfois nier leur existence. On masque ainsi des émotions perçues comme socialement inacceptables par d’autres émotions, qui sont sources de confusions, pour les autres et pour nous-mêmes. On peut dissimuler la peur sous le masque de la colère, ou la colère sous celui de la tristesse. Résultat : nos actes ne sont plus en accord avec notre mental, et notre entourage ne nous comprend plus.

Or en entreprise, une équipe a besoin d’un manager cohérent et clair ; c’est la raison pour laquelle il a tout intérêt à faire preuve d’intelligence émotionnelle !

L’émotion est à la fois un messager qui nous donne des indications sur nous-mêmes, sur notre interaction avec ce qui nous entoure, et un puissant moyen de communication. Comprendre son processus permettra de le percevoir comme moins abstrait qu’il n’y parait et de savoir sur quoi travailler…

2/ Développer son intelligence émotionnelle

L’intelligence émotionnelle est la capacité à interpréter et utiliser ses émotions, à tenir compte de celles des autres, et à les gérer de façon objective, pour en tirer des pistes d’évolution, et adapter ses comportements, sa communication, ses actions, en vue de l’obtention de résultats positifs concrets.

La développer n’est pas forcément évident... La « machine » est complexe et il faut reprendre tout depuis le début si on veut comprendre son fonctionnement... A commencer par soi-même !

  • La première des choses est de s’écouter, de se concentrer sur soi et sur ses ressentis dans telle ou telle circonstance, ce qui admettons-le, est une chose que beaucoup de managers ne font pas, ou très peu...
  • Ensuite, il s’agit d’accepter les manifestations des émotions que l’on commence à percevoir grâce à la première étape : les accepter sans les juger, ni les refouler, juste les accepter.
  • Puis il est temps de les identifier, de concevoir les différentes manifestations physiologiques, en comprenant leur fonctionnement et en reconnaissant des éléments déclencheurs.
  • Et enfin, on pourra les nommer et les expliciter telles qu’elles sont, si besoin. L’expression de ses émotions n’est pas systématique car pas forcément nécessaire, mais il sera très utile de savoir les exprimer sereinement et à bon escient dans le cadre de l’entreprise.

C’est un travail de connaissance de soi et de lâcher-prise, que je conseille de faire dans le cadre d’un coaching, le coach servant de guide dans cet exercice délicat.

3/ Accompagner ses collaborateurs au développement de leur intelligence émotionnelle

Comme le manager accompagne son équipe à développer ses capacités techniques, son efficacité d’organisation, ou encore sa motivation, il a la possibilité d’encourager son développement personnel, de montrer la voie, mettre en avant ce levier pour un bénéfice commun.

Aborder les choses en individuel, en toute transparence, paraît évident, mais il peut être aussi intéressant de le faire en collectif.

Travailler en équipe sur cet aspect permettra également de libérer la parole, d’échanger sur les expériences communes, et d’entendre de nouvelles idées. Au départ, aborder des sujets « bateaux » comme la relation client, les fournisseurs, ou le contenu de l’offre et des services, sera une excellente façon de procéder, le mieux étant de toujours prévoir un temps d’expression libre et tourné « ressenti », et de mettre en avant l’esprit d’équipe par l’écoute.

Par la suite, et tout naturellement, se développera plus de solidarité et de cohésion dans l’équipe, grâce à la compréhension du fonctionnement émotionnel des uns et des autres, base indispensable à l’émergence d’une intelligence collective puissante et efficace.

4/ Coordonner les tendances de chacun pour optimiser l’efficacité de l’équipe

Fort de cette expérience de développement de l’intelligence émotionnelle pour lui-même et au sein de son équipe, le manager pourra alors, et en connaissance de cause, jouer le rôle de coordinateur, pour optimiser l’atteinte des objectifs.

En fonction des capacités techniques, mais aussi émotionnelles des différents membres de son équipe, il saura rendre disponible les bonnes ressources humaines, au bon endroit et au bon moment, et s’adapter en toutes circonstances, pour un résultat optimal.

En actionnant les bons leviers de motivation, grâce à une meilleure connaissance des émotions, et donc du fonctionnement émotionnel des uns et des autres, il générera un cercle vertueux d’émotions positives, qui contribueront à la performance de l’entreprise, à la fois économique et sociale.

 

La démarche semble claire et facile à mettre en place, là comme ça sur papier, tel que je vous le décris... Mais en vrai, c’est assez difficile d’en arriver là !

Le principal obstacle est socio-culturel, comme je l’expliquais en introduction ; et même s’il y a eu du chemin parcouru depuis quelques années, il y a beaucoup de faux-semblants sur la question de la gestion des émotions et de l’intérêt qu’elles doivent susciter en entreprise...

Tout cela à cause du deuxième obstacle : le lâcher-prise ! Celui des managers, et des gens en général, complètement enfermés dans un engrenage psychique de performance au travail, comme dans la vie... Une génération qui, bien éduquée selon eux, dans la rigueur et l’autonomie, a cruellement manqué de vécu émotionnel dans l’enfance, et est incapable aujourd’hui de reconnaître et d’exprimer les différentes émotions qu’elle ressent.

Les différentes tendances de management, libéré, émotionnel, et autres, qui se développent aujourd’hui, sont le fruit de la confrontation positive entre les managers actuels, et l’intégration des générations Y (et maintenant Z), sur le marché du travail, pour arriver à travailler ensemble : les uns apportant leur expertise, dont les jeunes générations ont besoin, les autres apportant leurs idées, leur légèreté, et leur sensibilité, à une génération qui en manque depuis longtemps !

 

Article rédigé par Delphine PICHARD - ENTRE2SPORT

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