L’espoir d’un projet collaboratif pour PARIS 2024
Les préconisations de Claude ONESTA
Comme vu dans les articles précédents, il y a deux problématiques majeures à étudier de près pour agir dans le sens de la haute performance sportive, en vue des Jeux Olympiques de Paris en 2024 :
- Une gouvernance défaillante, qui présente un défaut d’alignement entre le pouvoir décisionnel et la responsabilité, c’est-à-dire entre la politique et le management.
- Un manque d’ouverture certain, qui enferme nos organisations sportives dans un système administré, normé et codifié, dans lequel il est impossible pour les sportifs, de se retrouver.
Dans son rapport, Claude ONESTA parle d’adopter un mode de fonctionnement « agile », et d’activer les leviers de l’agilité donc, pour :
« Permettre à chacun des acteurs d’être proactif, créatif, efficace, enthousiaste et serein. »
L’ensemble des préconisations du projet « Performance Paris 2024 », au nombre de 14, sont dans le rapport « Mission d’étude pour la haute performance sportive », segmentées autour de 5 grands axes :
- Structure et moyens
- Fédérations
- Sportifs et entraîneurs
- Mise en réseau
- Sport paralympique
La libération du sport pour plus de performance
« C’est celui qui fait qui sait » - Isaac GETZ
Voici l’un des grands principes de l’entreprise libérée.
Cela signifie qu’il est plus cohérent, et plus efficace, de « faire descendre l’autorité là où se trouve l’information, que de faire remonter l’information là où se trouve l’autorité ».
« Push authority to information and not information to authority » – David MARQUET
Une expression qui, à mon sens, pourrait bien s’adapter à la situation du sport en France, et permettre le renouveau du modèle, selon les tendances actuelles, qui ont déjà porté leurs fruits.
En effet, il paraît évident d’accompagner l’ensemble des acteurs du sport, vers plus de professionnalisation, c’est-à-dire de s’inspirer du fonctionnement des entreprises.
Or, ces entreprises sont elles-mêmes en perpétuelle évolution, et déploie des concepts de plus en plus ouverts, comme ceux de l’entreprise libérée, qui ont démontré des résultats en termes de bien-être des salariés, et de performance de l’entreprise.
Tant qu’à se professionnaliser, nos organisations sportives ont tout intérêt à s’inspirer de ces nouveaux modèles, d’autant qu’ils correspondent aux valeurs que le sport espère continuer de défendre, en faisant cohabiter le sport pour tous et le développement de la haute performance.
Ainsi il s’agit d’écouter les sportifs… Et pour la haute performance : celles et ceux qui ont un projet de haute performance. Bien accompagnés dans les filières du sport de haut niveau, que nous avons bien su développer en France, les sportifs savent ce qu’ils valent, et savent ce qu’ils veulent : ils sont tous capable de se responsabiliser et de devenir le leader de leur propre projet.
« Considérer le sportif comme l’auteur et l’acteur de son projet de performance. »
Il faut d’abord savoir les écouter, et aussi les encourager à s’exprimer. Il faut bien sûr que les entraîneurs et les fédérations aient développer cette nouvelle façon de voir les choses, et aussi la suite du processus à envisager, en fonction du sport, et du sportif : quelque chose qui soit véritablement tourné vers la haute performance, le cran en plus qui fait la différence.
Globalement, cela signifie de faire confiance aux sportifs et à leurs ambitions, et d’utiliser le système du sport de haut niveau, tel qu’il est mis en œuvre au travers des projets de performance fédéraux (PPF), parce qu’il est plutôt performant, mais d’aborder les choses dans un processus inversé, à l’écoute de la base, de « ceux qui savent » ce dont ils ont besoin pour performer. Nos instances aujourd’hui décisionnaires, adopteraient une posture de soutien dans l’accompagnement des sportifs, posture valorisante pour le sportif et son staff, tout en conservant une posture d’expert dans un cadre réglementaire. Ce changement de posture, à deux niveaux, permettra de :
- déverrouiller certaines appréhensions, en lâchant du leste
- faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles stratégies, en faisant preuve d’ouverture
- développer la sérénité nécessaire à l’efficacité et à la performance
Mais cela implique pour les dirigeants, de bien vouloir renoncer à une forme de pouvoir de la décision auquel ils sont très attachés, par habitude…
Régulation, collaboration, bon sens
« Le projet de performance Paris 2024 doit construire une ambition partagée par l’ensemble des acteurs du pays : l’Etat, le monde associatif, le grand public, et bien sûr le monde économique. »
L’Etat reste l’acteur principal, le pourvoyeur de subventions et d’orientations stratégiques pour le sport en France. C’est du Ministère qu’émane la demande faite à Claude ONESTA pour travailler sur la haute performance en vue de Paris 2024 ; ce qui est une bonne nouvelle, c’est-à-dire qu’il y a bien une prise de conscience de la situation et des enjeux, mais c’est aussi un problème, parce que quelque part, il va falloir qu’il décide de se désengager, de manière à laisser la place à « ceux qui savent », c’est-à-dire ceux qui font, c’est-à-dire les sportifs…
L’Etat, c’est aussi l’INSEP, les CREPS, les services déconcentrés du ministère des sports, et toutes les collectivités territoriales auxquelles on a confié une mission « accompagnement du sport de haut niveau » : les régions, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS), parfois les départements, et même les communes, voire certains établissement publics de coopération intercommunale (EPCI) comme les communautés d’agglomération ou communautés de communes.
Cela fait déjà beaucoup de monde, n’est-ce pas ?!!!
De l’autre côté, au bout de la chaîne, se trouvent les sportifs, les entraîneurs et les clubs, ceux qui travaillent, ceux qui cherchent des financements, pour développer leur sport, et essaient de s’y retrouver dans cette galaxie d’interlocuteurs dédiés… Parfois, à force de patience, et d’acharnement, ils finissent par trouver le bon interlocuteur, qui leur explique que, pour pouvoir bénéficier d’une subvention A de 1500€, il va falloir remplir les conditions d’une liste de 25 critères, puis, s’ils sont éligibles, ils pourront présenter un dossier de 30 pages, reprenant une liste de 25 nouveaux critères et autant de pièces justificatives, et espérer passer en commission, pour bénéficier de cette subvention l’année prochaine… Ben oui, parce que c’est trop tard pour cette année :-/. L’interlocuteur en question leur dit que finalement, il pourrait peut-être demander une subvention B de 1000€, en s’adressant à un autre interlocuteur, qu’ils ont bien fait de venir le voir lui, comme ça, il peut leur donner les coordonnées, et grâce à lui, ils avancent bien ! Etc, etc, etc…
Bref, c’est un travail à plein temps que de demander des subventions auprès de la multitude d’interlocuteurs existante, le tout en essayant de respecter des règles strictes et complexes, avec le sourire, et dans le plaisir de pouvoir contribuer à développer le sport… Subventions qui à la base, sont toutes issues du même décideur : l’Etat. Ça ne vous paraît pas ridicule ?!!!
J’aurais tendance à penser que, finalement, sur 10 000€ de subventions accordées par l’Etat, une fois avoir rémunéré l’ensemble des personnes qui gèrent l’attribution de cette subvention, entre ceux qui définissent les critères, ceux qui traitent les dossiers, ceux qui font partie des commissions et jury, ceux qui signent les mandats, ceux qui font les comptes, et ceux qui contrôlent que les comptes sont bien faits, à la fin il ne reste plus que 1000€, et encore, pas sûr :-/ Sans compter que, pour le coup, la ou les personnes qui font les demandes pour en bénéficier, ne sont, elles, bien souvent, pas rémunérées…
Comment dire… ne pensez-vous pas qu’il faille mobiliser les énergies autrement, et aller chercher de l’argent ailleurs, ou trouver d’autres moyens, d’autres actions à mettre en place, qui soient plus productives, et véritablement au bénéfice du sport et des sportifs ?!!!
« C’est le moment pour casser les barrières et s’engager dans une gouvernance associée. »
L’apport de l’entreprise dans le sport pour atteindre la haute performance
« La relation entre le mouvement sportif et le monde de l’entreprise s’est toujours limité à la manne financière que les sportifs espèrent en retirer. »
Pourtant, dans la situation actuelle, et en vue des Jeux Olympiques à Paris en 2024, il y a bien d’autres choses à faire ensemble !
Le monde de l’entreprise s’intéresse à cet événement évidemment, pour tout ce que cela peut lui apporter économiquement bien sûr, mais aussi parce qu’il y a beaucoup de points communs entre l’entrepreneuriat et les projets sportifs.
Dans les deux cas, il s’agit de se fixer des objectifs, une cible concrète et ambitieuse, à court, moyen ou long terme, et de mettre des stratégies en place, pour atteindre ses objectifs, le tout dans une optique de performance durable, quitte à investir, prendre des risques, s’adapter, se renouveler, faire appel à de nouveaux projets, transversaux, et à sans cesse se réinventer, au gré de la conjoncture. Ne voyez-vous pas l’analogie évidente ?!!!
« L’entreprise est un autre champ de la performance et nous avons à apprendre les uns des autres. »
C’est dans ce sens qu’il y a un grand intérêt, pour le sport, à se professionnaliser : pour tout ce que l’entreprise peut apporter comme expertise professionnelle, pas uniquement pour ce qu’elle peut apporter comme ressource financière… Même si, au bout du bout, grâce à cette autre approche, et à un travail de coopération, c’est effectivement ce qui est souhaitable.
Plus de relations, plus de proximité entre tous les acteurs du sport, en y intégrant particulièrement le monde économique, pour tout ce qu’il peut apporter comme expertise, notamment dans la « nouvelle » gouvernance du sport… voilà une mesure phare du rapport ONESTA, que je considère comme primordiale !
2024, c’est loin, et proche à la fois… car l’ambition est grande mais le chantier titanesque…
Espérons que le ministère des sports, à la lecture de ce rapport, piloté par Claude ONESTA, comprendra la nécessité de procéder à un bouleversement total des pratiques dans le domaine du sport, et à intégrer comme le préconise le rapport, et comme l’a fait le mouvement en marche, des compétences de la société civile.
Il est primordial d’ouvrir ce chantier de grande envergure, à 360°.
Je salue l’effort d’avoir sollicité, et travaillé avec de nombreux sportifs, et personnes diverses, issues de d’horizons variés de la sphère sportive (il faut dire qu’il y a déjà de quoi faire…)
Mais je déplore que toutes les personnes qui ont participé à l’élaboration, et aux réflexions de ce rapport, soient toutes issues du monde du sport tel qu’il existe aujourd’hui : aucune personne de l’extérieur, aucun organisateur d’événement, aucune entreprise, partenaire ou non ?!!!
Article rédigé par Delphine PICHARD - ENTRE2SPORT, Coach professionnelle certifiée, labellisée APPI, accréditée par la FFA
Sources :
Mission d’étude pour la haute performance sportive – janvier 2018 – Claude ONESTA
L’entreprise libérée – Isaac GETZ
Turn the ship around – David MARQUET
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