De nos jours, évoquer ses émotions est encore tabou. En effet, rares sont les personnes qui en parlent ouvertement. Notre culture et notre éducation nous apprennent la pudeur. Dévoiler ses émotions est perçu comme un aveu de faiblesse, et plus particulièrement dans le monde sportif ou le fait de « pleurer », ou d’avoir « peur » peut être interprété comme des failles que les adversaires pourront utiliser. Il arrive pourtant que certains se laissent aller en fin de compétition, au terme d’une épreuve à fort enjeu par exemple ; on dit alors que c’est le stress qui retombe...
Mais qu’en est-il réellement ?
Quelle est la différence entre stress et émotions ?
Le stress est une réaction physiologique de notre organisme : accélération du rythme cardiaque, de la respiration… Il est ressenti lorsqu’un déséquilibre est perçu entre ce qui est exigé de la personne et les ressources dont elle dispose pour répondre à ses exigences.
Une émotion est une réaction soudaine et imprévisible de tout notre organisme, avec des composantes physiologiques (notre corps), cognitives (nos pensées) et comportementales (nos actions).
Le stress peut amener à de l’anxiété par exemple, qui est une émotion.
Il peut être positif ou négatif selon que les émotions générées sont considérées comme positives ou négatives.
Les émotions sont principalement liées au concept d’activation ; c’est-à-dire qu’il ne peut y avoir de prise de décision sans émotion.
Ainsi le stress et les éléments stresseurs, générateurs d’émotions, peuvent affecter le niveau d’activation des individus, donc la performance.
Relation entre activation et performance
L’hypothèse du lien optimal entre activation et performance est celle de la loi Yerkes et Dodson, la loi du « U inversé » (voir l’article sur la préparation mentale des sportifs, dans lequel nous avons déjà abordé la notion de "flow", autrement dit "expérience optimale").
L’activation (ou excitation) est donc directement liée au niveau de stress, et à sa qualification de bon ou de mauvais pour la performance.
A noter que le niveau d’activation, comme le niveau de performance, n’ont pas d’échelle, puisqu’ils dépendent des individus et des circonstances.
En sport, le niveau d’activation dépend en particulier du type d’activité sportive : un faible niveau d’activation sera nécessaire pour le tir à l’arc ou le golf par exemple, alors qu’un haut niveau d’activation est important pour le sprint ou le football américain.
Toute la subtilité réside donc dans le fait d’adapter son niveau d’activation pour un rendement optimal dans son activité.
Impact de la personnalité
Cette relation activation-performance dépend forcément de l’individu ; on estime en effet, que certains traits e personnalité peuvent l’influencer, comme notamment l’extraversion et le névrosisme.
Sachant que le névrosisme détermine la réactivité de l’activation à un stresseur donné, c’est-à-dire la vitesse de déclenchement d’émotions, le niveau d’activation varierait modérément chez un sujet émotionnellement stable, et de manière plus importante chez un sujet névrotique
Du point de vue de l’extraversion, on considère qu’un sujet introverti présentera des niveaux d’activation plus élevés qu’un sujet extraverti.
Ainsi, des sportifs extravertis et stables émotionnellement parviendront mieux à maîtriser leur niveau d’activation, donc leur stress, pour une performance optimale.
La notion de stabilité émotionnelle a été prouvée comme facteur de performance dans des activités précises comme le tir, mais rien de concret ne permet de s’assurer de l’impact de l’extraversion par rapport à l’introversion...
D’ailleurs, il semble que la différence de niveau d’activation entre extravertis et introvertis, soit plus lié au rythme journalier qu’à la personnalité : un extraverti sera moins activé qu’un introverti le matin, et plus activé le soir.
Etats métamotivationnels
Bref, la théorie du U inversé ne suffit pas à expliquer les relations entre activation et émotion ; tout dépend de la manière dont l’individu perçoit son niveau d’activation : un faible niveau d’activation peut être vécu comme un état de calme et d’apaisement, ou à l’inverse comme un état profondément ennuyeux, tout comme un haut niveau d’activation peut être ressenti comme un stress insupportable, ou à l’inverse comme une excitation agréable. On parle d’états métamotivationnels différenciés.
La théorie de l’inversion, représentée ci-contre, explique le phénomène.
Un sujet en état télique préfèrera un faible niveau d’activation, pour ressentir de la relaxation, plutôt que de l’anxiété ; un sujet en état paratélique préfèrera lui un haut niveau d’activation pour ressentir de l’excitation plutôt que de l’ennui.
L’idée pour le sportif, est de maîtriser ces états métamotivationnels, et de savoir si besoin, passer de l’un à l’autre en fonction de la situation. Il aura malgré tout une dominance, qui déterminera en majorité son comportement : une dominance télique conduira à une préférence (et plus de performance) dans des activités sportives répétitives et planifiées, alors qu’une dominance paratélique, liée à des comportements plus ludiques et spontanés, conduira vers des activités plus explosives et incertaines.
Gestion des émotions
Selon Yuri HANIN, qui a travaillé sur la notion de subjectivité dans l’expérience sportive, il y a une zone optimale de performance caractérisée par des affects (émotions) selon 2 axes de perception individuelle : positif ou négatif (P ou N), et facilitant ou débilitant (+ ou -, helpful ou unhelpful).
Ses expériences ont permis de démontrer qu’il existe des différences importantes de perception des émotions, en particulier lorsqu’il s’agit de les considérer comme facilitantes ou débilitantes ; cela dépend des individus, et parfois de l’intensité des émotions.
En effet, des émotions similaires peuvent produire des effets contrastés chez des individus différents, y compris pour la même activité... Le contenu des zones optimales et non-optimales de performance, varie fortement d’un individu à l’autre ; ce qui démontre un fonctionnement individuel des facteurs de performance liés aux émotions.
Difficile donc de généraliser un travail de gestion des émotions : c’est une problématique individuelle, avec laquelle les entraîneurs (et sportifs) doivent être prudent.
Il est malgré tout intéressant de faire ce travail de définition des zones optimales et non-optimales (comme dans l’exemple ci-dessous) selon le modèle de Hanin...
Et pourquoi pas comparer les zones de chaque individu au sein d’un groupe d’entraînement, afin de faire travailler ensemble ceux qui ont des zones similaires, et ne surtout pas le faire avec ceux qui ont peu de lieux communs...
Article rédigé par Delphine PICHARD - ENTRE2SPORT
Coach professionnelle certifiée
Accompagnatrice de la performance sportive
Labellisée APPI, accréditée par la FFA
Sources :
- IZOF Model – Hanin et Sirjä
- Emotion et performance sportive - Delignières